Engagement Civique
L'engagement civique et politique des jeunes au Maroc

Avec une attention particulière portée aux dynamiques en milieu rural, cette recherche repose sur une enquête menée auprès de 600 jeunes issus de divers contextes socio-économiques et géographiques, et propose une analyse approfondie des facteurs influençant leur participation à la vie publique.
Cet article débute par un état des lieux des tendances générales civiques montrant qu’au Maroc, malgré le poids démographique important des jeunes (30 % de la population, HCP, 2020), leur participation civique et politique demeure faible. Une enquête du British Council (2016) révèle que 60 % des jeunes estiment que l’engagement politique est important, mais seuls 20 % y participent activement. Cette contradiction s’explique en grande partie par une méfiance généralisée envers les institutions : en 2011, 70 % des jeunes déclaraient ne pas faire confiance aux partis politiques (HCP, 2011), une tendance qui s’est accentuée ces dernières années. En termes de participation électorale, les chiffres sont révélateurs. En 2016, seuls 16 % des jeunes âgés de 18 à 29 ans ont voté (L’Économiste, 2019). Cette désaffection politique est encore plus marquée dans les zones rurales, où l’isolement, le manque de structures civiques et les contraintes économiques et sociales freinent l’implication des jeunes.
L’enquête menée dans le cadre de cette étude révèle que 68 % des jeunes ruraux considèrent que les obligations familiales et les normes sociales constituent un obstacle à leur participation (HCP, 2019). De plus, 54 % d’entre eux évoquent des normes culturelles qui restreignent leur engagement, en particulier pour les jeunes femmes. Cette situation est aggravée par des difficultés économiques considérables :
- Le taux de pauvreté en milieu rural atteint 19,4 %, soit plus du double de celui en milieu urbain (9,4 %) (Banque mondiale, 2018).
- Le taux de chômage des jeunes en milieu rural s’élève à 34,3 %, contre 22,7 % en ville (Banque mondiale, 2018).
- 61 % des jeunes ruraux sont classés comme NEET (ni en emploi, ni en éducation, ni en formation), un indicateur préoccupant qui illustre leur marginalisation économique (Policy Center for the New South, 2020).
Face à ces réalités, la priorité donnée par les jeunes ruraux à la survie économique limite fortement leur engagement civique. Ce désengagement est également renforcé par un manque de soutien institutionnel : 70 % des jeunes ruraux estiment que leurs représentants politiques ne défendent pas leurs intérêts, et 64 % jugent que la centralisation du pouvoir constitue un frein à leur participation (CESE, 2017).
Pour approfondir l’analyse des facteurs influençant l’engagement civique, nous avons appliqué une Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) aux données collectées. Cette méthode a permis d’identifier deux axes principaux :
- L’axe de l’engagement civique : il oppose les jeunes fortement impliqués (principalement issus des zones urbaines, mieux informés et bénéficiant de ressources communautaires) à ceux qui ne participent pas (jeunes ruraux confrontés à des barrières économiques et sociales).
- L’axe des freins structurels et éducatifs : il met en évidence les obstacles liés au manque de ressources et d’infrastructures éducatives. Les jeunes ayant un accès limité aux structures communautaires et éducatives sont plus enclins à l’inaction civique.
Ces résultats confirment que l’environnement socio-économique et l’accès aux infrastructures civiques déterminent fortement le niveau d’engagement des jeunes. À la lumière de ces analyses, notre article propose plusieurs recommandations pour favoriser un engagement civique plus équitable au Maroc :
- Renforcer les infrastructures éducatives et civiques en milieu rural, en développant des espaces dédiés à la participation des jeunes.
- Faciliter l’accès aux technologies numériques pour pallier la fracture numérique et accroître l’accès à l’information civique.
- Encourager l’éducation civique dès le plus jeune âge, notamment par des programmes intégrés dans le cursus scolaire.
Au final, notre article démontre que l’engagement civique des jeunes Marocains est fortement conditionné par des facteurs socio-économiques, éducatifs et géographiques. Les jeunes urbains, bénéficiant de meilleures infrastructures et d’un accès plus large aux ressources numériques, sont plus enclins à participer activement à la vie civique, tandis que les jeunes ruraux font face à des obstacles structurels qui limitent leur implication.