Engagement Politique
L'engagement politique des jeunes au Maroc : Entre désillusion, nouvelles formes d’implication et perspectives d’avenir

L'engagement politique des jeunes au Maroc est marqué par une faible participation aux processus formels (élections, partis politiques), malgré une implication grandissante dans des formes alternatives (activisme en ligne, manifestations). Ce document examine les raisons du désengagement des jeunes des institutions politiques traditionnelles et explore les opportunités pour revitaliser leur participation.
La première partie examine les formes d’engagement des jeunes marocains et qui peuvent être divisées en deux catégories principales. La participation formelle reste limitée, comme en témoigne le faible taux d’adhésion aux partis politiques et la participation électorale qui n’était que de 24 % en 2021 (Ministère de l’Intérieur du Maroc, 2016). En revanche, la participation informelle prend de plus en plus d’ampleur, notamment à travers l’activisme sur les réseaux sociaux et la mobilisation dans des mouvements sociaux spontanés (Belghiti, 2013 ; Norris, 2002).
La deuxième partie examine les facteurs qui expliquent ce désengagement des jeunes du système politique traditionnel. D’une part, la méfiance envers les institutions politiques est un élément central, puisque 70 % des jeunes marocains déclarent ne pas faire confiance aux partis politiques (Observatoire National du Développement Humain, 2019). D’autre part, la situation socio-économique défavorable joue un rôle majeur. Le taux de chômage des jeunes atteignait 27,1 % en 2020, et une grande partie de ceux qui travaillent sont employés dans le secteur informel, caractérisé par l’absence de protection sociale et de sécurité d’emploi (Haut-Commissariat au Plan, 2021 ; Banque mondiale, 2021). Par ailleurs, l’échec des campagnes de mobilisation des partis politiques empêche un renforcement durable de l’engagement des jeunes, ces derniers restant peu sensibles aux stratégies de communication politique mises en place (Hachemi, 2016 ; Guerraoui, 2013).
Après, nous avons réalisé une analyse empirique pour mettre en évidence plusieurs tendances majeures concernant la participation politique des jeunes au Maroc. Une régression logistique a montré que le désengagement des jeunes est fortement influencé par leur satisfaction politique, leur confiance institutionnelle, leur niveau d’éducation et leur situation sur le marché du travail (El Ouazzani et al., 2018). L’évaluation d’impact des campagnes politiques a démontré leur inefficacité à long terme, révélant que les partis politiques ne parviennent pas à maintenir l’intérêt des jeunes de manière durable (selon les auteurs). Par ailleurs, une simulation des scénarios futurs indique qu’un engagement accru des jeunes, atteignant 22 %, pourrait significativement améliorer leur impact politique et renforcer leur rôle dans la prise de décision publique (Tozy, 2008).
Face à ces constats, plusieurs recommandations ont été formulées pour encourager un engagement politique plus actif et structuré des jeunes. L’éducation civique doit être renforcée dès le plus jeune âge afin d’améliorer la compréhension des processus politiques et de développer une conscience citoyenne plus affirmée. La création de plateformes participatives numériques et physiques offrirait aux jeunes des espaces où ils pourraient exprimer leurs idées et interagir avec les décideurs, comme cela a été expérimenté avec succès dans d’autres pays. L’engagement des jeunes pourrait aussi être renforcé au niveau local à travers l’instauration de conseils municipaux de jeunes, une approche qui s’est révélée efficace en Suède et dans plusieurs pays européens. Enfin, il est indiscutable de garantir une véritable inclusion des jeunes dans les instances politiques, notamment en leur attribuant des rôles décisionnels concrets et en instaurant des mécanismes de formation continue qui leur permettraient d’acquérir les compétences nécessaires pour exercer des responsabilités politiques.
En guise de conclusion, on note que les jeunes Marocains ne sont pas apathiques mais rejettent massivement les structures politiques traditionnelles, les jugeant inefficaces et déconnectées de leurs préoccupations. Leur engagement se manifeste de plus en plus par des formes alternatives d’action politique, principalement informelles, qui témoignent d’une volonté de changement et d’une recherche de justice sociale (Ben Abdallah El Alaoui, 2014). Cette réalité implique de repenser les stratégies d’engagement en tenant compte des nouvelles dynamiques d’implication politique, en renforçant les passerelles entre les jeunes et les institutions, et en favorisant des formes d’engagement plus inclusives et adaptées aux attentes de la jeunesse marocaine.