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Sénégal
Lumière et ombre sur l’univers des innovations et invention au Sénégal

FWL Dakar 2023
© Shutterstock

Le monde de l’innovation est en ébullition au Sénégal. A la faveur des nouvelles technologies, on assiste à l’éclosion des talents des innovateurs. Le vent des inventions et des innovations balaie tous les secteurs de la vie active. Ce frémissement est plus marqué dans le secteur agricole, poumon de l’économie confronté à de grands défis. C’est dans ce champ que les jeunes ont apporté plus de réponses durables aux innombrables contraintes au cours de ces dernières années. Entre autres innovations, nous pouvons citer, ‘’Jokolanté’’ qui fournit des informations pratiques en langues locales (Sérère, Diola, Mandingue, Peul), à 66 % des paysans qui sont analphabètes. Grâce à un réseau d’une trentaine de radios communautaires, les techniques agricoles, les mieux adaptées sont partagées jusque dans les coins de les plus reculés du Sénégal.  Les paysans sont informés sur les pratiques qui dégradent les sols, sur l’intérêt d’avoir des plantations dans les champs. La startup Tolbi reste dans la lignée de ‘’ Jokolanté’’. Tolbi offre la possibilité aux producteurs agricoles d’utiliser la quantité juste d’eau ou d’engrais dont ils ont besoin pour leur irrigation ou pour l’amendement de leur exploitation.  

Tandis que ‘’Jokolanté’’ est dans le partage d’informations pratiques, une autre startup ‘’ Jappandil’’ se distingue dans la mise en relation entre les agriculteurs et les prestataires de services et des vendeurs de matériaux indispensables pour booster les rendements. C’est également grâce à une startup que le Sénégal est devenu par enchantement le 5ème pays producteur de fraises en Afrique. Alors que bien avant cela, les idées reçues faisaient croire que cette spéculation n’était pas adaptée aux caractéristiques climatiques et pédologiques du Sénégal. L’auteur du startup Fraisen, Souleymane Agne a bâti un réseau de production, de soutien et de formation des cultivateurs qui a relevé les paris fous. Il récolte par la suite, les fruits de l’innovation en 2020 en remportant la première édition du Dakar Startup Awards avec une enveloppe de 2.500.000 F CFA. Son ambition, c’est la création de 10.000 emplois directs et 5000 emplois indirects d’ici à 2025.

Depuis quelques temps, les jeunes Dicko Sy et Moustapha Thioune ont mis l’intelligence artificielle au service de l’agriculture. Leur startup Dictaf Coporation identifie les problèmes de producteurs et propose des solutions via son application « Sos-Agri ». Dictaf Corporation propose une mise à niveau à travers de séminaires, de workshop et des ateliers, permettant aux futurs agriculteurs de connaître les nouvelles techniques et pratiques agronomiques pour accroître les rendements de leurs exploitations agricoles.

Dans le domaine de la préservation de l’environnement, des jeunes se font une place au Soleil. Parmi ces derniers, il y a l’entrepreneuse, Yaye Souadou Fall qui transforme les pneus usés en granulats pour le gazon synthétique, le revêtement des sols et pour les aires de jeux. Grace à l’encadrement de la Fondation Friedrich Naumann pour la Liberté, elle est parvenue à lever un financement avec Women Investissement Club (WIC Capital) d’un montant de 216 millions de francs CFA. Elle est dans une phase de passage à l’échelle industrielle. Dans ce domaine, il y aussi Alioune Badara Mbengue, un des lauréats du Prix Falling Walls. Son projet « Mbal-IT » qui avait suscité tous les espoirs en matière de tri de déchets allait révolutionner le secteur. Tout compte, le Prix du Falling Walls a eu un impact positif sur le parcours du jeune entrepreneur, Alioune Badara Mbengue. La distinction lui a valu de la visibilité et de la crédité auprès des clients et des partenaires. Aujourd’hui, lui et ses amis poursuivent la belle aventure.

En somme, ces startups sont indicatrices du bouillonnement en cours dans le monde de l’innovation. Toutefois, l’analyse objective de l’écosystème démontre la persistance des contraintes. Elles ont pour noms la méfiance des bailleurs, des investisseurs, l’inexistence d’un modèle souple de facilitation de l’accès aux financements.  D’ailleurs, la traversée de la vallée de la mort est stressante, angoissante et périlleuse pour tous les startupers et les auteurs des inventions. Beaucoup d’acteurs ne parviennent pas à lever des financements après avoir reçu une première ou deuxième aide. En conséquent, certaines startupers ne survivent pas à leur cinquième anniversaire.  

                               Déficit de lisibilité et de visibilité

D’ailleurs, les acteurs ont établi une corrélation entre les contraintes de financements et le déficit de lisibilité et de visibilité. Pratiquement toutes les inventions et innovations sont logées à la même enseigne. Elles souffrent de toutes, d’une réelle absence de vulgarisation. C’est à juste raison, que l’Association Sénégalaise pour la Promotion de l’Invention et de l’Innovation (ASPI) avait initié un cycle de rencontres entre les investisseurs et les inventeurs. Tant que les bailleurs ne sont pas au courant d’une invention encore moins de sa pertinence, ils ne peuvent pas mettre leur argent pour la soutenir et pour la promouvoir. « Si l’investisseur n’est pas au courant de l’existence d’une solution donnée à un problème, il ne peut avoir l’idée d’y mettre son argent. Par contre, s’il est au courant et convaincu de la pertinence de la trouvaille, il peut décider d’aller avec l’inventeur gagner de l’argent », avance l’ancien Président de l’ASPI, Sanoussi Diakhaté. Ces petites inventions et innovations restent entre les quatre murs des laboratoires ou dans les halls de écoles de formation. Mise à part le Salon du polytechnicien de l’Ecole Polytechnique de Dakar, l’un des moments rares de promotion des innovations, les jeunes ne peuvent que compter participer au Forum du Numérique sanctionné par le Grand Prix du Chef de l’Etat pour l’innovation dans le numérique. Ce concours organisé par le Ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique est une aubaine pour ces jeunes.  Le lauréat de 2020 avait empoché une enveloppe de 20 millions de francs CFA. 

Hormis cette compétition, l’Agence Sénégalaise pour la Propriété Industrielle et l’Innovation Technologique (ASPIT), organise le concours du Grand Prix du Chef de l’Etat pour les inventions, réservé aux personnes, aux scientifiques qui capitalisent des années d’expériences ; les jeunes n’ont pas souvent la chance de déposer des dossiers.

                      L’équation de la protection de l’invention

Les jeunes entrepreneurs rechignent souvent à détailler les technologies de leur invention car d’autres personnes peuvent s’approprier de leur trouvaille et déposer en premier les dossiers pour obtenir un brevet auprès de l’Organisation Africaine pour la Propriété Intellectuelle (OAPI). Les frais des dossiers peuvent allaient jusqu’à 1.500.000 F CFA. Heureusement que le Ministère de l’Industrie octroie une subvention ce qui fait que l’auteur ne paie que 5 % de ce montant.

A côté du Ministère, d’autres organisations comme la Fondation Naumann sort du lot en matière d’encadrement et de promotion des porteurs de projets innovants. La régularité de l’organisation du Falling Walls a révélé le potentiel de créativité des jeunes sénégalais. Des innovations, de petites inventions qui ont des impacts directs sur la vie des communautés ont été mises en lumière lors de ce concours. Sans le Falling Walls, des projets à forts impacts resteront dans l’anonymat.